FLOP BUSTER
Les tares du blockbuster super-héroïques à l’ère de son industrialisation sont désormais bien connues, et Wonder Woman 1984 n’y échappe pas, notamment quand le film doit se dépatouiller d’un cahier des charges aussi lourdingue que contradictoire. En effet, on a souvent l’impression que les plaisantes intentions de la cinéaste entrent en contradiction avec les exigences du chantier qu’elle dirige.
C’est peut-être la raison pour laquelle la sous-intrigue de Cheetah (Kristen Wiig) ne prend jamais, greffée pour gonfler artificiellement le quota de scènes d’action (avec quelques échecs cosmiques à la clef). C’est sans doute ce qui explique l’irruption de scènes d’action absurdes, à l’image d’une confrontation autoroutière qui donne le sentiment d’avoir été intégralement conçue sur fonds verts, ne tient qu’à un quiproquo et n’impressionne jamais. C’est probablement ce qui “justifie”, une longueur stérile, le film dépassant allègrement les 2h30, qui use le spectateur, au détriment d’une atmosphère lumineuse et bienvenue, qui appelait au contraire une certaine célérité.
"Le premier qui fait une vanne sur les Chevaliers du Zodiac mate le Snyder Cut"
De même, on ne saurait dire si le métrage a souffert d’une production heurtée, ou si les conséquences de la pandémie survenue en 2020 ont interrompu l’agencement de ses finitions, mais on est souvent consterné par le rendu global du blockbuster. Les effets spéciaux les plus complexes, ceux concernant le personnage de Cheetah notamment, souffrent d’une grossièreté souvent embarrassante, mais on s’étonne aussi de constater certains ratés terriblement embarrassants, qui vont de perruques mal fignolées (lors du final ventilant) ou à l’usage de mannequins tout droit sorti des pires nanars des années 80. Ce sentiment de gâchis est encore rehaussé par une série de traits d'humour le plus souvent grossiers, ou en rupture avec la candeur de l'ensemble.
Chris pinaillePATTY CUT
Wonder Woman 1984 est-il pour autant le cataclysme dont tant de spectateurs se font l’écho ? Non. Il est d’ailleurs étonnant qu’à l’heure où un certain film de 4h est porté aux nues comme un accomplissement dans l’art d’adapter les comics (coucou Zack Snyder's Justice League), le boulot et la passion de Patty Jenkins n’aient pas engendré plus de louanges. Dès son introduction, la volonté manifeste de charger ses cadres de vie, de lignes de fuite évocatrice, de sublimer perpétuellement la grâce et la puissance des Amazones est manifeste. On le sent d'autant plus que sa collaboration avec Gal Gadot fonctionne désormais à plein régime, la comédienne étant nettement plus à l'aise avec le personnage (et la comédie) que lors de ses précédentes interprétations de l'héroïne.
Et il en va de même sitôt le récit revenu au présent. Plus qu’un énième produit surfant sur la nostalgie des années 80, la réalisatrice utilise la profusion de formes et de couleurs pour régulièrement retrouver des gammes chromatiques associées à la veine la plus vivace, organique et colorée des œuvres originales. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si le film se place aussi clairement dans les pas du chef-d’oeuvre matriciel qu’est le Superman de Richard Donner (quitte à faire parfois dans la révérence trop appuyée).
La Maison flancheAlors que d’autres productions ont encore bien du mal à s’extraire du schéma facile du destruction porn et des luttes artificielles contre des hordes de bots numériques, Patty Jenkins ramène toujours ses protagonistes à des enjeux émotionnels concrets, primaires, proches du conte. Une orientation qui lui permet de s’appesantir sur un méchant pathétique, le trop humain et souvent touchant Maxwell Lord (Pedro Pascal). Ce dernier permettra au scénario d’oser un climax très intéressant sur le papier, résolument anti-spectaculaire et chevillé aux valeurs de son héroïne... jusqu’à ce qu’il se transforme en mauvaise réclame pour les réparations de ventilateurs défectueux.
Ce qui permet enfin à Wonder Woman 1984 de se tailler une place à part au sein des productions DC, ce sont les séquences où Jenkins parvient à imposer une logique purement cinématographique. La dramaturgie des premières rencontres entre Diana et Barbara, les relations toxiques qui poussent Lord vers une spirale destructrice ou encore la dernière scène dans laquelle apparaît Chris Pine sont toutes mues par un sens du cadre et une narration toujours pensée par l'image, qui font trop cruellement défaut au genre.
Wonder Woman 1984 est disponible en VOD dès ce 31 mars 2021, et en DVD et Blu-ray dès le 7 avril 2021
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