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« La Montagne » : un fantastique appel des cimes - Le Monde

« La Montagne », de et avec Thomas Salvador.

On le sait depuis les grands burlesques, de Buster Keaton à Jacques Tati : un film peut être cette aventure primitive d’un corps lâché dans le vaste monde. Souvent, ce corps s’avère double : c’est celui de l’acteur-cinéaste qui, plongé dans ses propres images, va au contact, prend sur lui la dureté des choses, traverse le réel comme un parcours d’obstacles. De cette illustre lignée, qui vit naître tant de génies pantomimes, le dernier rejeton pourrait bien être Thomas Salvador, cinéaste acrobate et alpiniste, drôle d’oiseau du cinéma français qui habite ses films comme un nouveau Pierrot, gracile et peu disert.

Une décennie de courts-métrages très remarqués a débouché sur un premier long prometteur, Vincent n’a pas d’écailles (2014), où il transposait la geste super-héroïque sotto voce dans les gorges du Verdon. Huit ans soit une éternité plus tard, La Montagne, présenté à la Quinzaine des réalisateurs, à Cannes en mai 2022, confirme toute la fibre intensément poétique de ce cinéma, comme sa capacité de rêverie autant que sa difficulté à exister dans le cadre de production français. Sélectionné au Festival international du film fantastique de Gérardmer (Vosges), il en est reparti, dimanche 29 janvier, avec deux prix, celui du jury et celui de la critique.

On peut néanmoins se réjouir que ce film-là existe, ample et généreux. Salvador y interprète Pierre, un ingénieur en robotique venu présenter un bras articulé à des investisseurs potentiels, dans une ville au pied des Alpes. Lors de la présentation, quelque chose, au loin, lui fait signe : les cimes blanches des sommets majestueux attirent son regard à travers la fenêtre, ponctuant son discours d’un silence gênant. Alors que ses collègues s’en retournent à Paris, le scientifique reste. Il s’équipe en matériel d’alpinisme et s’aventure dans les contreforts, arpentant le glacier, attaquant les pentes, plantant son bivouac au-dessus des nuages.

Les jours passant, l’homme ne redescend plus, comme requis par ces solitudes escarpées. Ces reliefs renvoient dans ses cordes l’artifice d’un quotidien envahi d’artefacts (cuisine équipée, TGV, ordinateurs…). Pierre semble s’en éloigner toujours plus, laissant derrière lui travail et famille, hormis pour quelques haltes dans un restaurant d’étape, où il fait la rencontre de la cheffe, Léa (Louise Bourgoin), dernier chaînon amoureux entre lui et les vivants.

Un basculement fantastique

Avec une modicité de récit et une netteté de trait remarquable, La Montagne vaut d’abord comme terrain de rencontre entre le corps, extrait de son cocon technique, et la réalité nue du monde en sa pointe extrême. Etant lui-même son propre personnage, Salvador marche, grimpe, explore, éprouvant ce paysage abrupt et reculé, dont la nature se dévoile au contact, dans une définition éminemment physique du jeu. Réduits à la portion congrue, les dialogues laissent place à l’exploration, à la percée de Pierre.

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