La Première ministre entend aider les jeunes, surtout lorsqu’ils proviennent des milieux les plus ruraux de France :
“Il s’agit d’une mesure de souplesse qui ouvre cette possibilité à ceux qui en auront le besoin. C’est notamment le cas, comme la Première ministre a pu l’exprimer lors de l’émission Brut, pour tous ces jeunes qui ont besoin de se déplacer pour des raisons, notamment, de formation professionnelle”, expliquent les services de Matignon.
À compter de l’an prochain, ce sont donc 870 247 jeunes supplémentaires, âgés de 17 ans révolus, qui pourront candidater au précieux sésame.
Plus précisément, les jeunes de 17 ans peuvent déjà se présenter à l’examen du permis de conduire à ce jour. Mais en cas de succès, ils n’ont pas le droit de conduire seuls tant qu’ils n’ont pas atteint leurs 18 ans.
La restriction sera donc levée : “Cette mesure peut être une bonne mesure”, a rapidement annoncé Patrice Bessone, le président des enseignants de la conduite du syndicat professionnel Mobilians, au micro d’Europe 1.
Une position loin d’être partagée par le syndicat d’auto-écoles concurrent, l’Unidec :
“Comment envisager de telles mesures, si lourdes de conséquences en matière de vies humaines, alors qu’aucune étude d’impact, aucune prise en compte des statistiques sur la mortalité routière (…) n’ont été conduites ? L’Unidec s’étonne de la méthode et fait part de son opposition…”
Difficile de se faire une religion. En quoi un jeune de 17 ans serait-il plus dangereux que son aîné âgé d’un an de plus à peine ?
“Certains sont matures à 17 ans, d’autres pas, mais c’est pareil pour ceux qui ont 18 ans. Les fonctions cognitives continuent d’évoluer jusqu’à 22-23 ans”, fait observer Gérard Hernja, docteur ès sciences de l’éducation et responsable de l’animation pédagogique du réseau d’auto-écoles ECF.
Ainsi, selon l’intéressé, “si l’on ne fait que changer l’âge du permis, on se trompe. Mais si l’on amène un peu plus tôt tout le continuum éducatif (code, formations, etc.), cela peut fonctionner”, considère-t-il.
Enseigner la route plus tôt supposerait donc de s’appuyer sur le milieu scolaire. À l’heure actuelle, les élèves y passent déjà le “permis piéton” en primaire, puis l’Attestation scolaire de sécurité routière (ASSR) au collège.
Mais une proposition de loi très récemment promulguée va permettre de “simplifier la contractualisation entre les établissements scolaires et les professionnels de l’enseignement de la conduite”, annonce son exposé des motifs.
Ainsi, une porte serait ouverte pour que l’enseignement du code fasse son entrée au lycée, “particulièrement pour les élèves en zone rurale, souvent éloignés des écoles de conduite et des centres d’examen”, note encore la loi.
Le permis à 17 ans, « So British »
Si la loi promulguée a quelques semaines à peine, l’idée de baisser l’âge légal du permis de conduire n’est pas nouvelle, et s’avère loin d’être franco-française. Au Royaume-Uni par exemple, le permis de conduire se passe à 17 ans depuis des années.
La réglementation européenne le permet, donc, et tous les États membres (dont faisait autrefois partie l’Angleterre) sont libres d’abaisser ou non l’âge légal d’obtention du permis.
En 2019, l’ex-députée Françoise Dumas avait déjà proposé d’offrir la possibilité aux jeunes de 17 ans de conduire seuls. Mais selon son idée, “cette faculté serait ouverte aux élèves de l’apprentissage anticipé de la conduite qui ont satisfait les obligations minimales”, c’est-à-dire à ceux qui ont bel et bien effectué un minimum de 3 000 km avec un accompagnateur avant de se présenter à l’examen.
L’élue voulait aussi “expertiser si un tel permis pourrait être assorti de conditions limitatives” comme une interdiction de sortie du territoire national. Questionné, Matignon n’a pas donné plus de détails quant à d’éventuelles conditions restrictives.
Le député Jean-Marc Zulesi, farouche partisan du permis à 17 ans et sans doute à l’origine de ce futur changement réglementaire, n’est pas vraiment pour : “Il ne faut pas mettre trop de conditions, sinon il y aura un côté déceptif pour les jeunes”, pense-t-il, tout en ajoutant qu’il serait cependant favorable à ce qu’on “limite la puissance du véhicule” des jeunes qui obtiendraient le permis à 17 ans.
Recrutement d’inspecteurs nécessaire
Faire passer le code au plus jeune âge, limiter le permis à 17 ans aux apprentis issus de la conduite accompagnée, instaurer une puissance maximale autorisée…
Autant d’idées, bonnes ou mauvaises, qui risquent toutefois de se heurter au mur de la réalité. La France manque d’inspecteurs du permis de conduire. Les délais pour passer mais surtout pour repasser un examen loupé sont parfois démesurément longs :
“Pour le SNICA-FO, l’abaissement de l’âge présente surtout des inconvénients majeurs. Un sérieux risque d’embouteillage dans les auto-écoles (…) : 750000 candidats potentiels, soit l’équivalent de 260 IPCSR en plus”, indique le syndicat majoritaire des inspecteurs du permis de conduire.
Il faudrait donc embaucher 260 inspecteurs au minimum pour absorber le surplus de candidats! Toujours sur Europe 1, Patrice Bessone de Mobilians avait aussi relevé le fait que le métier de moniteur d’auto-école est de la même manière “en tension” et qu’il s’agira donc, là aussi, de trouver les enseignants nécessaires à la satisfaction de ce nouveau flux d’élèves.
Reste un dernier point crucial : les primes d’assurance. Les jeunes, surtout lorsqu’ils n’ont pas suivi la filière conduite accompagnée, sont largement surtaxés par les assureurs.
Quelle politique adopteront-ils face à un conducteur encore plus jeune?
“Nous serons particulièrement vigilants à ce que tous les assureurs prennent bien leur part dans la couverture de ces nouveaux risques, dont nous savons qu’ils ne sont pas les meilleurs. Si certains ne jouent pas le jeu, la mutualisation ne se fera pas, les tarifs seront élevés et la non-assurance grimpera en flèche. Ce n’est certainement pas le modèle qui est souhaité”, fait savoir Yann Arnaud, le directeur Réponses besoins sociétaires et innovation de la Macif.
Population à risque
Les jeunes (18-24 ans) sont beaucoup trop présents dans les statistiques de l’Observatoire national interministériel de la sécurité routière (ONISR). L’inexpérience a des conséquences :
“Les pertes de contrôle en véhicule de tourisme sont beaucoup plus nombreuses chez les 18-24 ans, puis sont assez similaires quelle que soit la tranche d’âge”, relève l’observatoire.
Les jeunes sont largement surreprésentés parmi les “tués à 30 jours” : 549 d’entre eux ont perdu la vie l’an dernier, soit 16,8% des décès routiers. Les 18-24 ans représentent une population de 101 tués par million d’habitants, contre 77 par million d’habitants pour les 75 ans et plus.
L’ONISR note aussi que parmi la cohorte de conducteurs et passagers victimes d’un accident :
“les jeunes de 18-24 ans sont particulièrement touchés (339 tués), en particulier le nombre de conducteurs hommes tués qui est le plus important, ainsi que le nombre de passagers tués”.
Les jeunes sont enfin la catégorie la plus fréquemment rencontrée parmi les blessés graves.
Un permis de plus en plus tardif
Contrairement aux idées reçues, le passage du permis de conduire n’est pas vraiment en perte de vitesse, même si le nombre de candidats tous permis confondus en 2022 a été inférieur de 7% à celui de 2021.
Le permis B se passe toujours majoritairement à 18 ans. Cette tranche d’âge a représenté 29,2% des permis B l’an dernier, contre 34% en 2020.
Un quart (24,4%) des permis B obtenus en 2022 a été le fait de jeunes de 20 à 24 ans, alors qu’ils n’étaient que 20,6% en 2020. Les gens ont donc tendance à passer le permis de conduire de plus en plus tard pour diverses raisons, notamment de coût.
L’avis de l’Auto-Journal
Qu’il ait 17 ou 18 ans, un jeune reste un jeune : il demeure un concentré d’enthousiasme et d’inexpérience face à un volant quelquefois trop grand pour lui. Si l’État prend la peine et met les moyens d’assurer une bonne formation initiale, pourquoi s’opposer à une mesure qui permettra aux jeunes des campagnes de cesser de risquer leur vie sur des deux‑roues ?
Retrouvez notre enquête sur le permis de conduire dans l’Auto-Journal n°1139 du 27/07/2023.
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