Ces invisibles qui ont fait l'histoire de France #4 Créateur, dans l’Humanité, de Pif le chien, José Cabrero Arnal fut à la base du renouveau de la BD française, dès les années 1960. De Barcelone à Juan-les-Pins en passant par Mauthausen, parcours d’un humaniste et d’un combattant épris avant tout de liberté.
Elles et ils viennent de partout, et surtout des anciennes colonies, des territoires ultramarins, des pays d’émigration (Belgique, Italie, Pologne, Espagne…) et de plus loin encore. Elles et ils ont fait et font notre histoire. Mais trop peu ont trouvé leur place dans la mémoire collective. Les figures de cette série sélective ont été choisies à partir du recueil Portraits de France, réalisé sous la houlette des historiens Pascal Blanchard et Yvan Gastaut pour le ministère délégué à la Ville et à la Cohésion des territoires.
Un « étranger indésirable ». Voilà comment la France a reçu José Cabrero Arnal à son arrivée sur notre territoire, fin janvier 1939, en même temps que 500 000 de ses compatriotes, républicains espagnols passant les Pyrénées pour fuir l’avancée des troupes franquistes – la tristement célèbre Retirada. Malgré ses demandes, Arnal se verra d’ailleurs toujours refuser la nationalité française et restera un « apatride » toute sa vie.
En 1973, lors de la Fête de l’Humanité, José Cabrero Arnal en pleine séance de dédicaces. © collection Philippe Guillen
Né en 1909 d’une famille pauvre de la province de Aragon, Arnal pratique dès l’enfance le dessin comme une échappatoire face à la dureté de la vie – et, dira-t-il lui-même, à l’autoritarisme de son père. Il commence à être publié et reconnu dès la fin des années 1920, dans la bouillonnante Barcelone où la famille s’est installée. Ce jeune homme épris de liberté – et qui ne sera jamais encarté nulle part – adhère comme une évidence à la jeune République espagnole. Dès le début de l’insurrection franquiste, en 1936, il laisse tomber les crayons pour prendre les armes. Il ne les lâchera plus jusqu’à la Retirada.
Le dessin m'a sauvé la vie.
José Cabrero Arnal
Déporté au camp de Mauthausen
Parqué dans des camps avec ses compatriotes dès son arrivée en France, il se retrouve sur la ligne Maginot au moment de l’offensive allemande. Fait prisonnier au cours de la débâcle française, il est déporté au camp de Mauthausen (Autriche) début 1941, en compagnie de nombreux autres « rotspanier » (« Espagnols rouges »). Il survivra à ce camp de travail (pour la firme Steyr-Daimler-Puch) et d’extermination par la faim, le froid, l’épuisement, les tortures, en s’attirant la protection d’un SS à qui il fournit… des dessins pornographiques. « Savoir dessiner ne te gênera jamais, écrira-t-il plus tard à son neveu Daniel Cabrero, à moi ça m’a même sauvé la vie. » Sur environ 200 000 déportés à Mauthausen, plus de 122 000 y laisseront la vie.
Arnal a la chance de faire partie des premiers rapatriés, après la libération du camp, le 5 mai 1945. Il arrive à Paris le 30 mai. Il a 36 ans, pèse 45 kilos, et part se soigner à Caussade, près de Toulouse, où il est accueilli par une famille d’instituteurs, les Darasse. C’est là qu’il aurait rencontré sa future femme, Denise, avant de repartir pour la capitale dès la fin 1945. Il se remet à dessiner et, très vite, est publié dans l’Humanité et l’Humanité Dimanche. C’est donc dans nos pages qu’il crée les personnages de Clopinet le Canard, puis, fin mars 1948, Pif le Chien – qui remplace Félix le Chat, jugé trop américanisant alors que pointe la guerre froide…
Des héros libres, humanistes et généreux
La suite est plus connue : pour Vaillant, Arnal crée Placid et Muzo, puis ce seront Roudoudou, Pifou… En 1965, Vaillant devient le journal de Pif, puis, quatre ans plus tard, Pif Gadget, dont le succès ne se démentira plus jusqu’au début des années 1980, et qui sera l’un des principaux creusets de la BD française tout au long des années 1970. Fatigué par les épreuves, Arnal, lui, a posé les crayons dès la fin des années 1960, non sans avoir pris soin de passer le flambeau de ses héros libres, humanistes et généreux comme lui à de jeunes dessinateurs comme Roger Mas, Jacques Nicolaou, Louis Cance… Retiré à Joinville-le-Pont, puis à Juan-les-Pins, où il se livre à ses passions que sont la pêche et la plongée sous-marine, Arnal s’éteint le 7 septembre 1982, à 73 ans.
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